Name: Les horizons incertains : altérités et permutations | De Béchard Hudon
Start: 2025-11-12T13:00:00-05:00
End: 2025-11-12T17:00:00-05:00
Location: 8105 Hochelaga, Montreal, QC, Canada, Quebec H1L 2K9

$Les horizons incertains : alt\u00e9rit\u00e9s et permutations | De B\u00e9chard Hudon$

La pratique collaborative de Catherine Béchard et de Sabin Hudon sonde les entre-espaces liés aux territoires habités, ainsi que les temporalités alternatives ou parallèles des activités de l’ensemble du vivant.
En regardant et en analysant les œuvres du duo d’artistes Béchard Hudon qui porte leur attention depuis plusieurs années sur différents biomes terrestres et aquatiques, nous pouvons difficilement retenir une interrogation existentielle : aujourd’hui, quel temps fait-il? Et leur réponse de sensibles observateurs équipés avec leurs appareils photographiques, vidéographiques et sonores pour saisir le monde pourrait être, selon nous: le Temps des effondrements.
Le duo d’artistes expose ici des créations aux organisations plastiques différentes qui offrent aux visiteurs des expériences perceptives pour les accompagner dans le flux perpétuel des choses. Leur exposition intitulée Les horizons incertains : altérités et permutations présente une sculpture cinétique, une installation vidéographique sonore et sculpturale, et aussi une série photographique. Leurs œuvres sont investies d’une réflexion sur le temps et l’espace, moteurs de l’univers afin de nous plonger dans une reconsidération de notre rapport au monde et de la biodiversité.
Dans Mécanismes de dessaisissement (rond), un imposant tondo blanc offre trois formes circulaires de dimensions dissemblables, animées de minces lignes colorées rétroéclairées qui se rapprochent, se superposent, s’éloignent toutes retenues par des fils électriques noirs. Tels des cadrans, elles composent une lente chorégraphie horlogère et optique de trois cercles qui battent silencieusement la mesure du temps et commandent la durée du regard. En effet, l’horloge de l’apocalypse inventée en 1947 n’est plus maintenant qu’à 89 secondes de minuit. Désormais, le risque nucléaire à l’origine de cette horloge n’est plus le seul, d’autres facteurs sont maintenant pris en compte, comme les changements climatiques, les technologies disruptives, les risques sanitaires et les conflits. Tous ces effondrements annoncés emportent les certitudes, les connaissances, les vérités, les espoirs et motivent les observations fines et sensibles des deux artistes réalisées lors de leurs multiples errances, déplacements et voyages de recherche. Tour à tour, l’abstraction géométrique tout comme le genre du paysage deviennent leurs espaces de prédilection pour témoigner des plis et des replis de notre ère de l’anthropocène.
L’installation multicanal Les monuments errants no 2 met en scène deux icebergs filmés à 360 degrés depuis une chaloupe de mer à Terre-Neuve-et-Labrador, invitant les visiteurs à les considérer « non pas comme des choses, mais des entités vivantes avec lesquelles nous avons des affiliations. » Les icebergs captent non seulement leur attention visuelle, mais également leur écoute. Ces lieux où ils partent à la découverte des icebergs offrent des paysages grandioses tant par leur vastitude que par la palette chromatique qui décline de nombreuses nuances de bleu et de blanc. Les icebergs transportent en eux une dimension temporelle exceptionnelle : ils se déplacent, se transforment, se retournent, changent d’aspect au fil de nombreuses années. Par la manipulation et la colorisation de l’image, le duo nous les présente transformés en créatures abstraites et chimériques et nous transporte dans une errance incertaine.
Plus est la composition sonore polyphonique, diffusée à travers les modules de bois aux déclinaisons géométriques et haptiques variables sur lesquels il est possible de s’asseoir, nous offre une expérience d’écoute plurisensorielle d’un monde qui semble insondable. Nous sommes plongés dans une écoute profonde qui permet une interconnexion intime et sensible avec cet écosystème fragile aux voix singulières où nous décodons certaines des réalités et des murmures qui bruissent des océans.
Quant à la série photographique Les monuments errants, elle présente les icebergs métamorphosés en monument minéral rappelant la couleur des sédiments contaminés qui accélèrent la fonte des glaces, les artistes en font ainsi des portraits qui en fixent la beauté trouble et dystopique.
Les photographies Les monuments errants, Fogo I, et Les monuments errants, Harry’s Harbour I, complètent l’exposition en évoquant la présence des artistes sur le territoire des icebergs. Telles des images de plateau de tournage, cette fois aux couleurs distordues, les protagonistes sont de dos, préférant porter le regard vers l’immensité du large plutôt que vers l’objectif de la caméra.
Toute l’exposition compose un immense memento mori qui à l’aide de symboles visuels abstraits, de référents sonores, de captations d’espaces naturels rappelle et proclame la beauté de notre monde bradé, parti à la dérive. Dérives semblables à celles des icebergs qui flottent avant de disparaître emportant leur monumentale beauté vers les fonds marins devenus désormais eux aussi les nouveaux objets de convoitise, de marchandisation du capitalisme sauvage. Les œuvres de Béchard Hudon nous offrent des images, des sons, des battements spatio-temporels de ce qui s’effondre là devant eux et ici, maintenant sous nos yeux.
Francine Paul, historienne de l’art
Les artistes aimeraient remercier Francine Paul, l’équipe de la Maison de la culture Mercier, l’équipe de l’Atelier Clark, les capitaines Tony et Ferg Penton, Point d’Impression Numérique, Centre Sagamie et le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier.